De par son histoire et sa culture, l’Amérique Latine a toujours été une terre fertile pour les initiatives sociales. Elles ont pris différentes formes, que ce soit dans un esprit philanthropique ou plus entrepreneurial, et de nombreuses ONGs et entreprises sociales sont nées. En revanche, leur dialogue avec le secteur entrepreneurial “classique” n’a pas toujours été une évidence. Dans les années 90, le philanthrope suisse Stephan Schmidheiny a commencé à promouvoir la coopération entre les deux secteurs. Après avoir découvert par l’expérience, que tant son entreprise que sa fondation devaient trouver un alignement profond avec ses valeurs personnelles, il a commencé à travailler dans ce sens puis à aider le secteur à avancer.
Néanmoins, la coopération entre le secteur “classique” et le secteur social a pris des formes très variées, et pas toujours abouties. La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), qui est le cas le plus récurrent, n’a par exemple pas souvent été exercée de façon stratégique par les entreprises “classiques”. Selon le groupe d’études de Harvard, Réseau du Savoir sur les Entreprises Sociales (SEKN, Social Enterprise Knowledge Network), une manière philanthropique d’aborder la relation avec le secteur social n’exploite pas complètement le potentiel de l’alliance que l’on cherche à créer. Les acteurs qui ne se préoccupent pas de construire des alliances avec des bases solides qui alignent valeurs, mission et stratégie, peuvent se retrouver à créer des collaborations qui n’arriveront pas à bon port.
Pour ces deux raisons, les joint-ventures sociales semblent être une bonne réponse aux alliances transitoires et peu efficaces. À ma connaissance, ces structures ne sont pas encore ancrées dans la culture du secteur en Amérique Latine, mais des pistes claires commencent à émerger au travers de collaborations profondes où le schéma se montre gagnant-gagnant pour toutes les parties prenantes. En Argentine par exemple, une collaboration existe depuis des années entre le journal La Nación et l’ONG Acción Solidaria qui cherche la propagation d’une culture solidaire dans le pays. Le journal assure une section d’annonces pour faire appel aux dons et pour faire connaître les actions mises en place par l’ONG. Au Brésil, l’entreprise Natura en partenariat avec l’ONG Imaflora et des communautés locales ont mis en place une alliance pour la production de la ligne de produits de beauté Ekos, qui cherche à mettre en valeur la biodiversité du Brésil en utilisant des produits que seuls les peuples natifs utilisaient auparavant. Pour cela, Natura a voulu impliquer dans le projet ces collectivités qui possédaient le savoir- faire et celles-ci ont ainsi pu profiter des bénéfices de la nouvelle ligne de produits. Pour sa part, Imaflora a fait en sorte que l’extraction des matières premières réponde à des critères de durabilité économique, sociale et écologique.
Il est aujourd’hui clair qu’un chemin se dessine et que les collaborations profondes qui se tissent entre secteur social et entreprises “classiques” montrent la volonté de notre société d’humaniser l’économie et prendre soin de l’environnement.
Antonela Racca Stoffel
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